archigram

Archive et transmission

Léo est étudiant en histoire. Il habite dans la banlieue ouest de Paris. Il a un intérêt secret pour le monde de la Résille (associé aux femmes/minorités sexuelles), mais n’y connaît pas grande chose. Il participe souvent à des manifestations dans sa région, de par son intérêt pour l’actualité politique et les luttes sociales, et essaie de les archiver avec un prototype de “DigiPhone”. C’est un appareil qui est connecté à La Résille, mais qui permet aussi de prendre des photos ou vidéos.
Il rencontre Mazikeen qui est dans la même fac que lui et qui sait coder puisque cela fait partie de son quotidien de femme, qu’elle n’aime pas trop. Elle propose des ateliers en lien avec l’informatique, mais aussi des ateliers d’initiation pour les enfants à l’histoire, l’art, et aux savoir-faire de ses origines. Cela lui prend beaucoup de temps, car il y a de plus en plus de personnes qui cherchent à faire ses ateliers. Elle se demande si elle ne mettrait pas de côté ses études pour se concentrer sur cette transmission de sa passion pour la culture.
Ils découvrent peu à peu leur passion commune de la collecte de données, des faits historiques, des événements sociaux et des archives en général, mais surtout leur curiosité qui les poussent à creuser là, dans des histoires lointaines ou contemporaines ambiguës avec une grande marge d’interprétation et de débat. “Comment nier que certains événements
imprévisibles tels les manifestations et luttes LBGTQI+ peuvent infléchir le cours de l’histoire contemporaine de la France ? Qui a initié l’art du Tembe, est ce les Noirs-Marrons de l’Amérique du Sud ou en Afrique Centrale?”
Chacun a un avis, chacun a une vision différente autour d’un même sujet. Chacun a ses preuves, ses photos, ses archives, son propre déroulement d’événements, mais surtout son analyse spécifique des mêmes faits historiques.
Pour Léo comme pour Mazikeen, cette diversité de récits dans l’histoire fait sa richesse. Avec elle, il apprend comment faire ce travail d’archive sur La Résille, dans le but de le diffuser à une plus grande échelle, afin de participer amplement à l’historisation de ces cultures ou mouvements.

Léo éprouve une difficulté à faire cette sélection d’archive, et à se positionner politiquement en tant qu’archiviste, en vue de son âge et de sa méconnaissance en informatique. Sur La Résille, il aimerait bien développer un espace virtuel de transmission d’archives politiques et culturelles. L’idée étant de créer un espace d’échange autour d’un sujet, et des traces qu’on produit (ou qu’on trouve) autour de ce même sujet. La vérité historique est le principal objectif recherché par Léo et Mazikeen : dans l’histoire qu’on apprend à l’école ou encore dans l’histoire contemporaine et des faits sociaux qui se produisent de nos jours.

Archigram

On peut trouver Archigram sur La Résille, qui permet de se connecter en tant que visiteur⋅se et donc lecteur⋅ice des différentes interventions autour d’un sujet précis, ou en tant que modérateur⋅ice, qui peut proposer des modifications, suggérer une information, un récit, une archive ou une photo.
L’objectif est de créer une archive collective sur un même réseau, favorisant une approche participative et collaborative, dans la production d’une expérience engageante et sensible, pour les usager⋅es et le public. C’est un outil de médiation et de transmission de savoirs.
On aura sur Archigram une série de sujets catégorisés (avec des sous-catégories). On peut faire un tri géographique, chronologique ou thématique. Chaque modérateur⋅ices peut suggérer ce qu’on appelle une intervention, qui sera horodatée.
Archigram sera opérationnel sur les minitels, mais dans les cyber-espaces des bibliothèques on le trouvera sur des écrans plus grands, reliés aux minitels via des “câbles de liaison”. Ceci pour permettre aux usager⋅es de rester plusieurs heures sans mal et d’avoir un texte plus lisible.
Contrairement aux encyclopédies classiques, les usager⋅es ne seront pas dans la passivité de la réception de l’information, mais pourront participer à son édition et sa diffusion. C’est ce qui fait la richesse d’Archigram.
Sur La Résille, une équipe bénévole de chercheuses, historiennes, informaticiennes, contrôlent (mais pas dans le sens de censure) les interventions des modérateur⋅ices. Elles laissent leurs traces écrites dans l’historique des interventions, parce que selon elles :

“une archive suppose naturellement de la trace, et qu’il n’y a pas d’archive sans trace, mais que toute trace n’est pas une archive dans la mesure où l’archive suppose non seulement une trace, mais que cette trace soit appropriée, contrôlée, organisée, politiquement sous contrôle. Il n’y a pas d’archives sans un pouvoir de capitalisation ou de monopole, de quasi-monopole, de rassemblement de traces statutaires et reconnues comme traces. Autrement dit, il n’y a pas d’archives sans pouvoir politique.” [1]

Donc elles n’inscrivent sur Archigram que les vérités liées à des preuves ou ressources identifiées, parce que pour elles :

“l’archive commence là où la trace s’organise, se sélectionne.” [2]

Les archivistes les mieux intentionné⋅es sur Archigram, les plus libéral⋅aux ou les plus généreux⋅ses évaluent ce qui mérite d’être gardé. Qu’elles se trompent ou non, peu importe, elles évaluent toujours. C’est cette évaluation des traces, avec une autorité et une compétence supposées, qui distingue l’archive des traces.

  • [1] Derrida, Jacques. Trace et archive, image et art. INA Édition. Collège Iconique. Paris, 2014.
  • [2] Ibid.